L’annonce d’un accord de transit terrestre et maritime entre le Tchad et la Guinée équatoriale a pris de court les autorités camerounaises. Face aux tracasseries administratives et aux entraves répétées sur le corridor Douala-N’Djamena, le Tchad a choisi de diversifier ses routes commerciales.
Cette décision, bien que stratégique pour N’Djamena, sonne comme un avertissement pour le Cameroun, qui tente désormais de rectifier le tir pour préserver son partenariat commercial de plus de 30 ans avec son voisin sahélien.
En effet, comme l’avait assuré Fatima Goukouni Weddeye, ministre tchadienne des Transports, lors de la signature de l’accord le 13 décembre 2024, « la signature de cette convention marque un tournant décisif pour le Tchad dans sa quête de diversification des couloirs de transit. Le Tchad prendra toutes les dispositions nécessaires pour la traduction dans les faits du contenu de cette convention ». Cet engagement illustre clairement la volonté de réduire la dépendance aux ports camerounais, longtemps considérés comme les seules portes d’entrée pour les marchandises tchadiennes.
Le Cameroun s’est ainsi mis en mode rattrapage, car il n’a pas tardé à réagir. Dans un message adressé aux délégués régionaux de la Sûreté nationale installés le long des corridors Douala-N’Djamena-Bangui, le Délégué général à la Sûreté nationale (DGSN), Martin Mbarga Nguelé, a ordonné une lutte pointue contre les tracasseries policières.
En ce sens, le DGSN a déclaré : « dans le cadre de l’application des recommandations de l’équipe interministérielle mixte chargée de la fluidification des corridors de transit Douala-Kribi-Bangui et Douala-Kribi-N’Djamena, il vous est demandé d’instruire et de veiller à la délivrance des bulletins de service et à l’existence des registres main courante dans tous les postes de contrôle mixte ». Il a en outre « formellement » interdit le retrait des pièces d’identité, même expirées, aux passagers et autres usagers lors des contrôles.
Cet empressement du Cameroun à rassurer ses partenaires commerciaux témoigne du considérable enjeu économique que représente le commerce de transit. Selon les données de la douane camerounaise, le Tchad et la République centrafricaine font respectivement transiter 340 milliards et 55 milliards de FCFA de marchandises par les ports camerounais. Et donc, une perte de ce marché au profit de la Guinée équatoriale aurait des conséquences significatives sur l’économie camerounaise.
Alors que cette nouvelle donne crée des remous, Patrice Melom, Directeur Général du port autonome de Kribi, a voulu tempérer les inquiétudes, affirmant que la concurrence est inévitable et de ce fait, le Cameroun devra redoubler d’efforts pour conserver ses partenaires commerciaux.
Par ailleurs, il faut noter que l’accord entre le Tchad et la Guinée équatoriale est bien plus qu’un simple ajustement commercial. Il reflète un repositionnement stratégique dans la région, où chaque pays cherche à maximiser ses avantages économiques. Pour N’Djamena, cette diversification pourrait simplifier les opérations de transit, accroître la productivité et stimuler la croissance économique. De son côté, la Guinée équatoriale voit cette opportunité comme un levier pour attirer des investissements dans ses infrastructures portuaires et renforcer son rôle dans le commerce régional.
Face à cette concurrence, le Cameroun doit se réinventer. L’amélioration des conditions de transit, la modernisation des infrastructures et une plus grande fluidité des échanges seront déterminantes pour maintenir son rôle de hub commercial en Afrique centrale.