Face à des décennies d’instabilité politique et un déficit de leadership, la Guinée-Bissau peine à mobiliser ses citoyens autour d’une vision commune. Entre la nécessité d’un leader inspirant, le renforcement des institutions et une refonte de son image internationale, la réconciliation nationale apparaît comme un impératif pour sortir du cycle de crises et bâtir un avenir prospère.

Rencontre avec M. Joâo Bernardo VIEIRA
La loi du plus fort étouffe les vraies problématiques du pays
Joâo Bernardo VIEIRA:
Aujourd’hui, chacun prétend défendre les intérêts de la Guinée-Bissau, mais la réalité est bien différente. Il n’y a pas de mobilisation véritable pour protéger le pays et assurer son avenir. C’est pour cette raison que nous avons choisi de faire de la réconciliation nationale un agenda politique essentiel.
Des décennies d’instabilité politique ont fragilisé notre nation. Si nous voulons bâtir une vision commune, une dynamique de paix et de stabilité qui rassemble et inspire, nous devons « nous réconcilier ». Sans unité nationale, sans paix, sans stabilité, rien n’est possible.
Le véritable problème de la Guinée-Bissau est « un problème de leadership ». Le pays a besoin d’un leader capable de fédérer, d’offrir une vision claire et de guider la population vers un avenir prospère. Ce leader doit porter un projet de réconciliation et de développement, notamment en valorisant nos ressources naturelles, qui sont une clé pour sortir de la pauvreté.
De plus, il est indispensable de collaborer avec des partenaires et bailleurs de fonds sérieux, prêts à aider la Guinée-Bissau dans une logique gagnant-gagnant. Ce n’est ni de l’aumône ni de la charité, mais un engagement mutuel pour une transformation réelle et durable. Avec un leadership solide, nous pourrons enfin construire des institutions fiables, une justice impartiale et une gouvernance fondée sur l’intérêt général.
Quelle image la Guinée-Bissau renvoie-t-elle à l’international ?
Joâo Bernardo VIEIRA:
La communauté internationale perçoit notre pays comme perpétuellement instable. Il est urgent de changer cette image, et cela ne pourra se faire qu’avec un leadership fort et crédible.
Prenons un exemple concret : comment lutter efficacement contre les fléaux comme le **trafic de drogue** avec des institutions fragilisées ? Ce phénomène met en difficulté les pays les plus puissants du monde, alors comment pouvons-nous espérer y faire face sans une véritable réforme ?
Nous devons transformer la Guinée-Bissau et exploiter intelligemment ses îles, qui pourraient en faire les Caraïbes de l’Afrique. Mais cela passe par une refonte complète de la perception du pays à l’international.

L’éducation : un levier essentiel pour le développement
Joâo Bernardo VIEIRA:
Les services sociaux sont exsangues, qu’il s’agisse de l’éducation ou de la santé.
Dans le domaine éducatif, nous manquons cruellement de professeurs qualifiés, condition essentielle pour garantir un enseignement de qualité. De plus, le secteur public est en grève chronique, principalement en raison des salaires impayés, poussant les familles les plus aisées vers le privé.
Un pays dont le système éducatif est malade ne peut espérer se développer. Il est donc impératif d’investir massivement dans l’éducation et la santé en allouant un budget conséquent pour ces secteurs clés.
Quels sont vos projets actuels ?
Joâo Bernardo VIEIRA: Mon plus grand projet, c’est la réconciliation nationale. C’est pourquoi, le 21 septembre prochain, j’organise une Journée de la Paix en Guinée-Bissau, au stade 24 septembre, le plus grand stade de football du pays.
Mon objectif est de rassembler les citoyens des quatre coins du pays, issus des villages et des villes, pour échanger sans tabou, guérir les blessures du passé et poser les bases d’une réconciliation nationale fondée sur des valeurs de justice et d’unité.
Nombreux sont ceux qui pensent que c’est un rêve irréalisable. Mais pour moi, c’est une nécessité impérieuse.
En définitive ?
Joâo Bernardo VIEIRA:
Il faut croire en la Guinée-Bissau. C’est un pays viable, riche en ressources naturelles.
Nous avons besoin d’un visionnaire à la tête du pays et j’invite les étrangers à découvrir les innombrables opportunités que la Guinée-Bissau a à offrir.
Certes, notre pays fait face à des problèmes politiques, mais pas sociaux. Ici, vous pouvez marcher dans la rue à toute heure, en toute sécurité.
Nous devons rompre avec le cycle d’instabilité et construire un avenir basé sur la paix, la justice et le développement durable.
Propos recueillis par Kathy Mintsa