fr
fr
Bitcoin
64,187
Bitcoin
$ 69,259
Bitcoin
64,187

Cameroun : plus de 4000 emplois créés en 4 ans dans l’Extrême-Nord

L’opération HIMO/FFU mise en œuvre par le PNDP en 2016 a permis à la jeunesse rurale de cette région, de bénéficier d’opportunités économiques. Avec un CDD et une épargne, certains ont repris leur vie en main et réalisé d’importants projets professionnels.

Teri Kodji Nguedji affiche un sourire serein. Depuis le magasin de stockage qu’il partage avec ses amis à Baba-Deli (arrondissement de Mogodé), il lorgne avec certitude, des lendemains encore plus roses. Il y a quelques mois, Teri n’avait pas une telle assurance. Celle-ci est née d’une aventure humaine et professionnelle inespérée.

En effet, le jeune homme a participé à la construction d’une mare artificielle et d’un forage à énergie solaire dans son village. Le projet a été mis en œuvre par le Programme national de développement participatif (PNDP) à travers le Fonds fiduciaire d’urgence de l’Union européenne (FFU) délégué à l’Agence française de développement. L’infrastructure vise à répondre aux besoins hydriques du bétail et des populations en toute saison. Elle a été construite suivant l’approche Haute intensité de main-d’œuvre (HIMO), qui privilégie la mobilisation des Hommes à celle des engins sur les différents chantiers.  C’est ainsi que Teri Kodji et plusieurs  autres jeunes de l’arrondissement de Mogodé ont été recrutés pour l’exécution de ce projet, qui s’est étendue sur six mois.

Une fois leur mission achevée, Teri et six de ses camarades ont mutualisé leur épargne pour créer un petit groupement agricole. Avec un investissement de départ de 357.000 francs CFA, ils ont loué un terrain, y ont semé du maïs et du soja et loué le magasin de stockage dans lequel nous le rencontrons ce 26 février 2020. La première récolte du groupe a permis de recueillir 80 sacs de maïs et 30 sacs de soja. Depuis, le petit groupe baptisé « Keumaneu gheu » (veut dire entraide en langue Kapsiki) développe ses activités et compte avoir un rendement encore meilleur que le groupement voisin.

Entreprendre à plusieurs : la bonne recette

A une centaine de mètres du magasin de stockage loué par Téri et ses amis, un espace abrite les récoltes d’un autre groupement agricole. Constitué de six personnes, il est également né à l’issue de la construction de la mare artificielle et du forage à énergie solaire de Baba-Deli. « Fouiller la terre ». C’est ainsi que Zra Midi et ses camarades ont décidé de baptiser leur groupe. Et ils ne sont pas peu fiers d’avoir choisi la terre pour récolter leur épanouissement professionnel. Leurs yeux brillent quand ils racontent leur parcours dans l’entreprenariat agricole.

 Après leur première campagne, ils ont récolté 63 sacs de maïs   et 7 sacs de niébé*(haricot blanc). Ce qui leur a fait gagner environ 105.000 francs CFA. Ils ont réinvesti cet argent au point où leur magasin de stockage, d’une capacité de 1200 sacs, va bientôt s’avérer étroit. La comptabilité tient dans un petit cahier. Mais, les chiffres interpellent. « Fouiller la terre » a presque décuplé ses revenus en quelques mois et ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. D’ailleurs, le petit groupe se retrouve tous les dimanches pour le faire le point sur leurs activités et se projeter dans leur activité commune.  

Stocker, pour quoi faire ?

A Marvack, localité située à 18 km de Bogo, dans le département du Diamaré, les jeunes tiennent eux aussi à leur autonomie financière. Comme à Baba-Deli, leur village a bénéficié de la construction d’une mare artificielle et d’un forage à énergie solaire. Les retombées sont visibles, notamment chez les jeunes qui vivaient essentiellement de l’agriculture de survie. Grâce à leurs salaire et épargne, nombreux sont ceux qui ont investi dans le transport. Ils ont acheté des motos pour permettre aux populations de rallier le centre-ville de Bogo. 1.000 francs CFA pour le trajet à moto en aller simple. De quoi assurer le pain quotidien à ces transporteurs sur leurs engins encore neufs.

Une autre partie de la population bénéficiaire du projet mené par le PNDP à Marvack a décidé d’entreprendre dans l’agriculture. Et, comme à Baba-Deli, des jeunes comme Allah Oussoumou ont intégré des groupements agricoles et investi sur le stockage des récoltes.

La problématique du stockage est une réalité partagée dans cette partie du pays,  parce qu’elle revêt un  fort enjeu économique. En effet, après la récolte de certaines denrées, des agriculteurs sont obligés de brader leurs produits en raison de la surabondance. Sans espace de stockage ou moyens de conservation, il est plus évident pour les cultivateurs de vendre au plus offrant que de laisser les aliments pourrir. Dans ce contexte, difficile d’instaurer une politique des prix. Les greniers sont intéressants pour les foyers. Mais, pour les gros producteurs, impossible de faire sans les magasins de stockage. Ceux-ci permettent, par ailleurs, d’assurer la disponibilité de certaines denrées (oignons, arachides, maïs, soja, etc) en toute saison…

Des millions de francs CFA en perspectives

C’est pour toutes ces raisons que la construction d’un magasin de stockage a fait l’objet d’un projet à part entière dans la commune de Maroua 1er, précisément à Djagalaye. Ici, toujours dans le cadre de l’opération HIMO/FFU, le PNDP a construit un magasin de stockage sur un espace de 1750m². Celui-ci a été inauguré le 4 octobre 2019 par l’ambassadeur de France au Cameroun.

Les 100 jeunes recrutés et payés pour la mise en œuvre de ce projet ont investi à 70% dans les projets agricoles. Pour eux, le magasin de stockage de Djagalaye, c’est du pain béni. Issaga a 30 ans. Ce producteur d’oignons est persuadé qu’il sera millionnaire sous peu. Il explique : « Les prix des oignons varient selon les besoins. Dans certains cas, le sac de 100 kg peut être vendu à 10.000 francs CFA. Or, en stockant, je peux en tirer 50.000 francs CFA par sac ».

Mais, le tout n’est pas de stocker, il faut savoir comment, précise Issaga. « Certains oignons sont semés pour être vendus dès la récolte. Pour ceux-là, on utilise beaucoup d’eau et d’intrants, tout le contraire des oignons destinés au stockage ». Ainsi, Issaga compte stocker ses récoltes d’oignons. En plus des revenus qu’il va encaisser sous le couvert du groupement agricole dont il est membre, il va gagner de l’argent issu de sa production individuelle qu’il développe sur un terrain de 2.500 m². Cette saison, il pourrait en tirer 100 sacs de 100 kg chacun…

4249 emplois créés

Selon la deuxième Enquête sur l’emploi et le secteur informel réalisé au Cameroun en 2010, la région de l’Extrême-Nord présentait, avec 92,2%, le taux le plus élevé d’emplois vulnérables au Cameroun. L’emploi vulnérable concerne les travailleurs à leur compte et les travailleurs familiaux non rémunérés. Dix ans plus tard, la question de l’emploi reste au cœur des préoccupations dans cette partie du pays. 

Pour offrir des opportunités économiques aux populations de cette région, notamment celles des zones rurales, l’opération HIMO/FFU a été mise sur pied en 2016. Elle est le fruit d’un financement de l’Union européenne  délégué à l’Agence française de développement (AFD) pour accompagner le plan d’urgence du gouvernement camerounais à l’attention des populations du septentrion. Financée à hauteur de 6,6 milliards de francs CFA, cette opération a permis de construire des chantiers à caractère social dans 20 communes et de recruter/rémunérer 4249 hommes et femmes. Un tiers de leurs salaires était retenu pendant la durée des chantiers. Cette épargne leur était restituée à la fin des chantiers afin qu’ils puissent financer le démarrage de leurs activités professionnelles. Cette approche a permis à plus de 3000 jeunes de s’auto-employer et de développer des activités génératrices de revenus, en groupes ou en solo.

L’opération HIMO/FFU a été clôturée le 20 mars 2020. Ses résultats devraient motiver le financement d’une nouvelle phase de cet important projet de développement socio-économique de la région de l’Extrême-Nord.