Depuis 24 ans, l’ANNUAL SHOW se positionne comme un événement phare de la mode en Afrique, apportant visibilité et opportunités aux talents émergents. Initié au Cameroun, cet événement a su évoluer et s’adapter, atteignant cette année une dimension internationale avec une édition spéciale prevue à Paris. M. Piwele Gregoire, l’homme derrière cette initiative, nous dévoile les défis, les succès et les ambitions futures de l’ANNUAL SHOW.
Pouvez-vous nous raconter les débuts de l’ANNUAL SHOW il y a 24 ans ? (Nous savons que vous en avez déjà parlé dans d’autres médias, mais nos lecteurs aimeraient en savoir plus.)
Les origines de l’ANNUAL SHOW sont assez simples. À l’époque, j’étais (et je suis toujours) un homme d’affaires distribuant la marque Toshiba au Cameroun. Un jour, le regretté JEMANN, un styliste qui n’est plus parmi nous (que son âme repose en paix), est venu me voir dans mon bureau pour me demander de l’aider à organiser son événement de mode, Africa Zimut. Il avait besoin d’un soutien financier pour payer les artistes et les mannequins. J’ai contacté Toshiba pour voir s’ils étaient intéressés par l’association de leur marque à cet événement. Le directeur des exportations de l’époque a répondu positivement, indiquant leur intérêt pour les événements culturels. Ils ont accepté de créditer mon compte fournisseur du montant nécessaire, et je devais gérer les paiements locaux.
Cependant, il y a eu des problèmes avec les mannequins qui se plaignaient de leurs paiements et m’ont demandé de les aider à s’organiser. C’est à ce moment-là que j’ai rencontré Flammarion OLOMO, le directeur artistique de Smalto à Paris, qui est devenu un ami proche. Ensemble, nous avons décidé de créer l’ANNUAL SHOW. Avant cet événement, j’avais déjà créé une agence de mannequins appelée First Model Agency pour soutenir et encadrer les jeunes talents. Le nom « Annual Show » est venu presque par accident lors d’une séance de brainstorming avec Flammarion. Et c’est ainsi que tout a commencé.
Quels ont été les principaux défis rencontrés au fil des années et comment les avez-vous surmontés ? (Quelques anecdotes seraient appréciées.)
Au début, lorsque j’ai rencontré les gens de Canal 2 International, ils démarraient à peine et ont immédiatement adhéré à l’idée de l’ANNUAL SHOW. Cela explique mes liens forts avec la chaîne. En tant qu’homme d’affaires, je n’avais aucune connaissance de l’industrie de la mode et je ne réalisais pas que nous pouvions rechercher des sponsors. Initialement, nous avons financé le projet avec nos propres ressources pour contribuer à une cause sociale. Avec le temps, des partenaires comme Orange nous ont approchés, et nous avons compris que nous pouvions associer des marques comme MTN et d’autres. TV5 nous a également rejoints dès le début, avec notre première marraine, Sonia Rolland, Miss France 2000, et Katoucha, un mannequin renommé qui a assisté au premier ANNUAL SHOW à Douala en 2000. Nous avons été reçus par le maire de la ville.
Quelles sont les principales étapes qui ont marqué l’évolution de l’ANNUAL SHOW jusqu’à aujourd’hui ?
Une étape significative a eu lieu en 2010, lorsque nous sommes passés d’un événement d’une seule journée à une semaine de mode, avec des productions différentes au-delà de la soirée de gala. Nous avons organisé des parades à Saint John’s Plaza à Douala, gratuites pour le public, tandis que seule la soirée de gala était payante.
Pourquoi avoir choisi Paris pour cette édition spéciale de l’ANNUAL SHOW ?
En 2021, après des investissements personnels, je me sentais ignoré et inaudible. J’ai déclaré dans mon discours d’ouverture que c’était le dernier ANNUAL SHOW. Cependant, les jeunes m’ont exhorté à ne pas abandonner. En réfléchissant à la situation, j’ai réalisé que rendre l’ANNUAL SHOW international était la solution. Initialement, nous envisagions le Nigéria, mais nous avons finalement choisi Paris, une capitale symbolique de la mode, pour notre première édition internationale. C’est un pari audacieux, mais nous y sommes.
Pouvez-vous nous parler des activités prévues dans le cadre de cette édition ?
Nous avons dû reprogrammer l’ANNUAL SHOW pour l’été prochain, toujours en juin, en raison de problèmes logistiques liés aux Jeux Olympiques de Paris. Nous avons réalisé que tenir la parade sur les Champs-Élysées et la Seine était impraticable en raison des préoccupations de sécurité nécessitant de nombreuses autorisations. Nous avons décidé de ne pas forcer la soirée de gala, car notre objectif est de présenter notre programme complet, y compris la visibilité pour les jeunes créateurs handicapés souvent marginalisés. De nombreuses personnes en Afrique vivent de la culture et surtout de la mode, y compris dans les orphelinats et les marchés. Ainsi, l’ANNUAL SHOW est devenu une association à orientation sociale, en plus d’un événement.
Donner de la visibilité aux jeunes mannequins aide à les empêcher de se tourner vers la prostitution, une réalisation notable. Au-delà de ces jeunes, beaucoup d’autres possèdent des compétences incroyables en création, fabrication et couture mais manquent de visibilité et de ressources. Notre défi est de faire passer ces talents invisibles sous les projecteurs.
Le programme restera-t-il inchangé après ce report en termes des villes accueillant l’événement ?
Nous n’avons pas encore finalisé les autres villes en raison du changement de calendrier. Cependant, Paris est confirmée, avec la parade en bateau et possiblement des parades sur le parvis de l’Hôtel de Ville. Aujourd’hui, j’ai eu le plaisir de rencontrer le directeur du Théâtre de la Ville de Paris, qui est enthousiaste à l’idée de soutenir l’ANNUAL SHOW. Nous envisageons des concerts gratuits, des expositions sur le parvis de l’Hôtel de Ville, etc. Le nouveau programme est encore en développement, mais il restera en juin, et nous déterminerons quelles autres villes françaises accueilleront l’événement.
Qu’en est-il des invités ?
La plupart des influenceurs impliqués dans le projet restent engagés, et nous avons des demandes supplémentaires d’autres influenceurs souhaitant se joindre à nous. C’est positif, et le report nous permet de mieux organiser et institutionnaliser l’événement.
Quel impact l’ANNUAL SHOW a-t-il eu sur l’industrie de la mode en Afrique centrale ?
L’ANNUAL SHOW a aidé de nombreux créateurs et mannequins à gagner en reconnaissance. Beaucoup de mannequins qui ont participé à l’ANNUAL SHOW sont maintenant connus internationalement, et plusieurs sont devenus Miss Cameroun. Nous avons joué un rôle d’incubateur dans le développement de la mode et des industries connexes.
Comment voyez-vous l’influence de cet événement à l’échelle internationale, notamment avec cette édition en France ?
Nous espérons influencer et redéfinir la perception de la mode africaine sur le continent européen, en s’étendant au-delà de la France à toute l’Europe.
Quels sont vos objectifs pour l’avenir de l’ANNUAL SHOW ?
Notre objectif est de faire évoluer l’ANNUAL SHOW d’un événement axé sur l’Afrique à un événement international, en s’étendant au-delà de l’Europe.
Quel est l’impact économique de l’ANNUAL SHOW sur les économies locales des pays participants ?
Développer ces créations contribue de manière significative à l’économie. Par exemple, en 2022, l’industrie de la mode en Italie a généré 98 milliards d’euros, et la France a réalisé 17 milliards d’euros de bénéfices au cours de la même période. Bien que cet impact ne soit pas encore pleinement réalisé en Afrique, il est inévitable.
Comment l’ANNUAL SHOW contribue-t-il à la professionnalisation des mannequins et des acteurs de l’industrie de la mode en Afrique centrale ?
Nous mettons en lumière la qualité de nos mannequins pour les organisateurs qui ont besoin de stylistes et de gestionnaires d’événements. En les mettant sous les projecteurs, nous avons eu un impact significatif, ouvrant des opportunités sur des scènes majeures en Afrique du Sud, aux États-Unis, et ailleurs. Sans l’ANNUAL SHOW, ils seraient restés dans l’ombre.
Quelles initiatives sont prises pour rendre ces professionnels plus compétitifs à l’international ?
Chacun doit jouer son rôle. Notre tâche est de présenter ces talents et leurs collections, et nous croyons que le reste suivra naturellement.
Comment voyez-vous l’évolution de la mode africaine dans les prochaines années ?
Historiquement, les mannequins noirs étaient rarement vus sur les podiums européens. Aujourd’hui, ils sont partout, même sur les affiches. La dernière affiche de Chanel présente une femme noire, quelque chose d’impossible à imaginer il y a quelques années. Le changement se produit naturellement.
Quels sont vos projets pour les futures éditions de l’ANNUAL SHOW ?
Nous prévoyons de rendre l’ANNUAL SHOW annuel à nouveau. Étant donné son ampleur actuelle, nous le tiendrons chaque année.
Quel message souhaitez-vous adresser aux jeunes talents et aux futurs designers de mode africains en perte de confiance et en manque de repères ?
Croyez en vous et travaillez dur. C’est la seule façon de réussir.
UN MOT AUX PARTENAIRES
Nous tenons à les remercier pour leur soutien continu et les encourageons à continuer de nous soutenir. Nous sommes sur la bonne voie et ne pouvons exister sans eux.
Depuis 24 ans, l’ANNUAL SHOW se positionne comme un événement phare de la mode en Afrique, apportant visibilité et opportunités aux talents émergents. Initié au Cameroun, cet événement a su évoluer et s’adapter, atteignant cette année une dimension internationale avec une édition spéciale à Paris. M. Piwele Gregoire, l’homme derrière cette initiative, nous dévoile les défis, les succès et les ambitions futures de l’ANNUAL SHOW.
Propos recueillis par Kathy MINTSA