Longtemps cantonné aux échelons inférieurs des classements de développement, le Burkina Faso est en train d’opérer une mutation économique radicale sous l’impulsion de son gouvernement de transition. Loin de l’image d’un pays sahélien pauvre et uniquement dépendant de l’aide extérieure, Ouagadougou vient de faire une démonstration de force économique : en moins de deux ans, le pays a généré 18 milliards de dollars (près de 11 000 milliards de FCFA) de revenus issus de l’exportation d’or.

Cette performance, annoncée par le ministre des Mines Yacouba Zabré Rouamba, couvre la période d’octobre 2022 au premier trimestre 2024. C’est le premier résultat quantifiable d’une vision prospective claire portée par le Capitaine Ibrahim Traoré : transformer une économie d’extraction passive en un levier actif de souveraineté.
La Doctrine Traoré : Le Patriotisme Économique comme Moteur
Pour le Burkina Faso, engagé dans une lutte existentielle pour sa sécurité, cette manne financière est vitale. Elle offre une autonomie budgétaire sans précédent pour financer l’effort de défense et les investissements sociaux, réduisant de fait la dépendance aux bailleurs de fonds internationaux.
Ce changement radical n’est pas le fruit du hasard, mais d’une doctrine de patriotisme économique assumée, qui s’articule en deux temps :
1. L’Assainissement Stratégique du Secteur : Le gouvernement de transition a rapidement identifié que la richesse nationale fuyait par les brèches d’un système minier trop permissif. La première mesure de rupture fut la suspension de l’exportation de l’or artisanal. Ce coup d’arrêt à la fraude et aux circuits parallèles a permis de canaliser des flux financiers colossaux vers les caisses de l’État.
2. La Reprise en Main Juridique : En parallèle, une révision du code minier est en cours. L’objectif n’est plus seulement d’attirer les investisseurs, mais d’établir un partenariat gagnant-gagnant, où la contribution du secteur au budget national est maximisée.
Vision Prospective : De l’Extraction à la Maîtrise de la Chaîne de Valeur
C’est sur le plan prospectif que la transformation est la plus profonde. Le véritable « changement de paradigme » réside dans le refus de se contenter de vendre une matière première brute.
L’acte fondateur de cette vision est le lancement de la construction de la première raffinerie d’or nationale. Ce projet est stratégique à plus d’un titre :
- Souveraineté Industrielle : Avec une capacité de 400 kg par jour et une pureté de 99,99 %, le Burkina Faso contrôlera une étape cruciale de la chaîne de valeur.
- Captation de Valeur Ajoutée : En exportant non plus du minerai, mais de l’or raffiné, le pays augmentera considérablement ses marges et ses revenus.
- Transformation Structurelle : C’est le passage d’un « État-comptoir » à un « État-stratège », qui investit dans l’industrialisation pour pérenniser sa croissance.
Une Leçon pour la Région
Alors que de nombreux pays du continent, y compris dans la zone CEMAC, cherchent les clés de leur émergence, le cas burkinabè devient un cas d’école. Il démontre qu’un leadership politique fort, axé sur la souveraineté économique et la gestion rigoureuse des ressources naturelles, peut générer des résultats spectaculaires et rapides.
Loin d’être un « miracle », les 18 milliards de dollars burkinabè sont le résultat d’une décision politique : celle de faire de l’or, hier symbole d’exploitation, l’arme de sa reconstruction et le pilier de son essor futur. Un changement radical que les économies de la sous-région ne manqueront pas d’observer.